Interview de l’Ingénieur en chef de 1ere classe Marquaille Sous-directeur énergie, eau et environnement de la direction centrale du Service d’Infrastructure de la Défense (SID)

En charge notamment du management de l’énergie, de l’achat de l’énergie d’infrastructure et de la performance énergétique du patrimoine bâti.

Quelle est la composition du parc immobilier de la Défense ?

La parc immobilier occupé par le ministère des Armées est un patrimoine qui s’est constitué au fil des siècles, et qui se caractérise par sa très grande variété.

Une variété constructive et architecturale tout d’abord. Liée notamment à des vagues de constructions associées aux grands programmes militaires qu’a conduites la France sur ces derniers siècles. On connaît les fortifications construites par Vauban au XVIIe siècle, celles du système Séré de Rivières bâti à partir de 1874. Puis au XXe siècle, d’autres types de constructions sont apparus, avec l’arrivée de l’aviation entre deux guerres, le déploiement de la force de dissuasion nucléaire dans les années 60, sans oublier notre force maritime qui s’est modernisée et agrandie. Les équipements et matériels opérationnels des forces armées nécessitent plus que jamais des infrastructures performantes.

Cette variété se retrouve également dans les usages de l’immobilier. A côté des ouvrages à vocation opérationnelle, notre parc compte également des bâtiments collectifs, des monuments, des infrastructures de communication, des établissements de production, des entrepôts, et, bien entendu, des bâtiments de bureaux et des locaux d’habitation.

Finalement, le parc immobilier de la Défense est composé de bâtiments aux typologies constructives et aux usages très diversifiés et représentatifs des trois grands secteurs d’activités présents en France, à savoir le secteur résidentiel, le secteur tertiaire et le secteur industriel.
Cette très grande variété se retrouve naturellement dans la « signature » énergétique des bâtiments, pris individuellement ou par grands ensembles en fonction de leur date de construction et de leur fonction. C’est pourquoi une connaissance fine de notre immobilier en termes de caractéristiques constructives, d’état technique, d’usage et de consommation énergétique est nécessaire avant toute stratégie d’actions visant à améliorer sa performance.

Quelle est la stratégie énergétique du ministère en matière de décarbonation et de réduction énergétique de ce parc et comment s’inscrit-elle dans le plan « France Relance » ?

Référent du ministère des Armées pour les sujets croisant énergie et infrastructure, le SID s’implique depuis plus de 10 ans dans la performance et la transition énergétique pour contribuer à une neutralité carbone en 2050. Le SID a ainsi mis en place une gouvernance, une filière métier et une stratégie d’actions autour de la performance énergétique et du développement des énergies renouvelables. Ces actions couvrent les usages avec la mise en place de systèmes de management de l’énergie sur nos sites, les obligations règlementaires dont le retrait de toutes nos chaudières les plus émissives en CO2 (charbon, fioul) remplacées par des solutions plus vertes ainsi que des actions globales sur des sites pris dans leur ensemble à travers des contrats de performance énergétique.

Depuis 2010, ces actions ont permis de réduire de plus de 20% la consommation énergétique du parc immobilier du ministère et de plus de 30% ses émissions de gaz à effet de serre.
Cette stratégie de performance énergie-carbone montre aujourd’hui toute sa pertinence car elle permet d’une part de répondre à un contexte règlementaire toujours plus ambitieux et d’autre part d’amortir l’augmentation du coût des énergies.
En outre, l’organisation du SID et son maillage territorial de proximité fait que le Service reste proche des territoires et que les investissements réalisés soutiennent pleinement l’économie locale. Le SID a répondu présent à l’appel à projets du plan France relance, axé sur l’écologie et le soutien économique des territoires, sonnait comme une évidence.

Parmi les 4 214 projets présentés par les différents ministères à l’issue de l’appel à projets lancé par la Direction de l’immobilier de l’Etat, 702 projets ont été retenus au profit du ministère des Armées, pour un montant total de 207,4 millions d’euros. Ces financements s’ajoutent à ceux mobilisés par le ministère et constituent donc un puissant accélérateur des investissements de transition énergétique passés et à venir.

In fine, ces investissements vont au bénéfice de toutes les régions métropolitaines et outre-mer, avec principalement des points d’application où la densité des implantations militaires est très forte (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Grand Est).

Parmi les projets significatifs retenus au plan de relance qui contribuent à l’amélioration énergétique du parc immobilier du ministère des Armées, on peut citer le contrat de performance énergétique sur le camp de Mourmelon pour 41 millions d’euros.

Les Contrats de Performance Energétique sont-ils un moyen de massifier rapidement cette rénovation énergétique ?

La particularité du parc immobilier du ministère des Armées est d’être majoritairement organisé en emprises -base navales, bases aériennes, grands camps– qui se sont densifiées ces dix dernières années avec la politique de rationalisation pour regrouper parfois jusqu’à plus d’une centaine de bâtiments.

Ces emprises, dans leur urbanisation, s’apparentent à des villes présentant des situations énergétiques très disparates et complexes, pour les bâtiments comme pour les systèmes, avec parfois des chaufferies centralisées associées à des réseaux de distribution de chaleur ou au contraire des systèmes individualisés à chaque bâtiment ou enfin un mix de solutions énergétiques.

Dans ce contexte, aborder la rénovation énergétique de manière globale et massifiée à l’ensemble d’un site est la démarche la plus cohérente mais aussi la plus efficiente. C’est pourquoi le SID met en œuvre des CPE à l’échelle d’une emprise et privilégie les sites permettant de prendre en compte 100 000 m2 de bâti voire plus.

La durée du CPE est établie en fonction du temps de retour sur investissement estimé à une vingtaine d’années pour un CPE d’emprise. Le rôle du SID est aussi d’être attentif à la bonne utilisation et à l’optimisation des budgets de l’Etat ; la démarche de massification avec des contrats de performance énergétiques permet d’obtenir des effets d’échelle et d’optimiser l’efficacité des investissements.

Pour le ministère des Armées, le principe des CPE permet de responsabiliser le titulaire du marché qui s’engage sur des objectifs de performance. En retour, la période d’exploitation confiée au titulaire est suffisamment longue – jusqu’à 20 ans –  pour que la relation soit « gagnant-gagnant ».

Au titre de la stratégie ministérielle de performance énergique 2020-2023, une douzaine de CPE sont identifiés et financées sur la période de la programmation militaire.

Outre les économies d’énergie, les travaux de rénovation engagés via les CPE contribuent à la modernisation et à la valorisation du patrimoine immobilier de l’Etat, sans oublier l’amélioration du confort de vie et de travail des personnels du ministère.

Le projet sur la base de Mourmelon, de par son envergure, est-il une réponse prometteuse à ces ambitions ?

Le CPE de Mourmelon est le neuvième CPE notifié par le SID sur une trajectoire prévue par notre stratégie actuelle qui nous mènera à 18 CPE à horizon 2025.

Le camp bâti de Mourmelon est un site qui se prête parfaitement à ce type de contrat compte tenu de sa situation patrimoniale : une surface bâtie importante, des bâtiments énergivores et des installations de production de chaleur à base de charbon très émissives en gaz à effet de serre.

En outre le CPE de Mourmelon se distingue en effet par son envergure :

  • En termes de surfaces, ce sont 240 000 m² de surfaces chauffées qui seront prises en compte dans le CPE quand la moyenne des CPE déjà contractualisés est de 100 000 m².
  • En termes de diminution des consommations d’énergie, les objectifs contractuels de diminution de consommation énergétique que nous fixons classiquement à moins 40% par rapport à une valeur de référence, amèneront ici un gain en énergie annuel de 10 GWh. C’est le double de ce que nous réalisons en moyenne sur d’autres CPE, équivalent à la consommation annuelle en énergie de plus de 2 000 foyers.
  • Enfin, en termes de réduction des émissions carbone et de développement des énergies renouvelables, nous mettrons en œuvre une solution qui répondra en même temps aux deux problématiques. Nous allons supprimer via ce CPE une des dernières chaufferie charbon encore en activité au ministère qui sera remplacée par une chaufferie biomasse soit une énergie 100% renouvelable.

Nous réduirons ainsi nos émissions carbones de 13 000 tonnes par an, soit près de 4% des émissions du parc immobilier du ministère des Armées, ce qui représente l’équivalent de plus de 6 000 véhicules personnels.

Les investissements consentis pour ce contrat de performance, à savoir 41 millions d’euros financés au plan de relance, sont à la hauteur des ambitions de transition écologique menées par le ministère.

Le CPE de Mourmelon est emblématique de la stratégie de verdissement et d’exemplarité énergétique conduite par le SID depuis maintenant 10 ans. Progressivement nous repensons et transformons le modèle énergétique de nos emprises tout en réduisant leur impact environnemental. Un levier majeur de cette transformation reste le CPE. Notre objectif pour les années à venir est de poursuivre et d’accélérer la généralisation de ce vecteur de performance à d’autres sites, afin de continuer à inscrire le ministère dans les objectifs nationaux de transition écologique pour un Etat exemplaire.

Voir notre article : S2T est l’ingénierie du plus gros chantier de rénovation énergétique du ministère des Armées

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